Nous reviendrons dans cet article sur les différentes manœuvres d’Homme à La Mer sur un voilier (ou Man Over Board en anglais)
Faut-il s’entrainer aux manœuvres d’homme à la mer à la voile ou au moteur?
Que vaut le Quick Stop dans la pratique?
Comment prévenir les chutes par dessus bord d’un voilier?
Comment éviter le sur-accident?
Comment se décomposent les procédures de récupération?
Quelle manœuvre d’homme à la mer choisir avec un voilier?
Quand on demande à François Gabart de nous raconter l’un de ses pires moments en mer, celui-ci nous fait part d’un épisode à ses débuts en 2008, sa première année Figaro. Les évènements qui suivent se sont déroulés quelques heures après le départ d’une épreuve au départ de Cagliari (Sardaigne) pour Marzamemi (Sicile), au mois de septembre. A cette période de l’année, la méditerranée est connue pour ses orages violents et imprévisibles.
Lorsque François Gabart commence son récit, il nous explique qu’il faisait encore jour lorsqu’un gros orage s’abat sur la course. A la fin de l’orage, c’était le début de la nuit. C’est à ce moment qu’ « un coureur a vu un bateau en vrac et s’est dit qu’il y avait un problème. Un autre bateau est venu voir et apparemment il n’y avait personne à bord.»
La course a été neutralisée et tous les coureurs ont convergé vers la zone présumée. François Gabart était bien placé et donc assez loin. C’est pendant le trajet qu’il a eu le temps de réfléchir à la situation : «L’avantage c’est que l’eau était chaude, fin de saison, elle devait être à 27-28°. L’un des problèmes quand tu tombes à l’eau, c’est l’hypothermie. » A ce moment, il y avait 15-20 nœuds et la nuit s’installait. «J’étais dans une dynamique hyper positive, je faisais enfin le métier auquel j’aspirais depuis longtemps. J’étais hyper positif et puis là j’étais comme un con dans mon bateau en me disant : il y a mec qui est dans l’eau et on ne sait pas si on va le récupérer.» Il apprend alors que «le mec était « à poil », il n’avait rien, même pas une flash light. Pas de brassière.» Quelques heures passent, «et là, chose complètement inespérée de nuit, on a retrouvé le mec. Il a été repêché, il est en pleine forme, tout va bien. Mais tout ça, ça m’a un peu remué… ça m’a vraiment fait une espèce de prise de conscience…»
Laissant ses pensées sombres de côté, François Gabart conclut sur la mésaventure : «Ca ne nous a pas empêché de repartir le lendemain et le surlendemain, encore plus avec le gilet et accroché !»
S’accrocher à la ligne de vie ou autres points fixes solides
Bien respecter les règles de déplacement à bord
Rester dans le cockpit et limiter les manœuvres à risque par gros temps ou la nuit
Ne pas hésiter à uriner à genou pour les hommes
Garder le calme à bord
Rappeler la procédure étape par étape à l’équipage
Pas de précipitation, pas de panique
S’entrainer à minima chaque saison avec votre équipage pour que la manœuvre soit une simple routine banale au même titre qu’un virement de bord bien coordonné
- Une brassière auto-percutante, munie d’un sifflet et de dispositifs réfléchissants
- Une flashlight avec des piles neuves *
- Un moyen de communication étanche ( VHF ou portable)
- Un miroir de détresse (aussi appelé miroir de signalisation ou sécurité) **
* Une lampe frontale qui clignote n’est pas une flashlight !
** Un miroir coûte entre 3 et 10 euros, ne pèse que quelques grammes et pourtant a une portée optimale de 25 km !!
En école de voile, c’est la manœuvre à la voile de récupération d’Homme à La Mer qui est généralement présentée. C’est une manœuvre complexe qui nécessite une très bonne coordination de l’équipage et une mise en pratique rigoureuse des différentes étapes. Il s’agit d’un excellent exercice pédagogique que certains souhaiteraient renommer « OLM » pour Objet à La Mer. En effet, dans la pratique, l’utilisation du moteur permet de récupérer plus rapidement l’objet mis à l’eau pour l’exercice. Par exemple, si avec les voiles on a du mal à lofer d’avantage, le moteur lui nous permet de rectifier le tir.
Manœuvre d’homme à la mer à la voile : incontournable pour la pédagogie et « au cas où »
Manœuvre d’homme à la mer au moteur : plus simple, plus efficace et surtout plus rapide
Le Quick Stop est une méthode récente comparée à la méthode en 8, de la ralingue et celle de la cape. Elle inclut une étape d’empannage, ce qui peut être dangereux avec des débutants concentrés sur leur copain à l’eau et oubliant la bôme ou peu à l’aise avec la manipulation de la GV. Comme toutes les manœuvres, il faut la décomposer pour la comprendre et la répéter pour pouvoir la refaire sans stress additionnel.
Quelque soit le niveau de l’équipage, un empannage par gros temps représente un risque à ne pas négliger.
C’est la méthode recommandée par l’ISAF, la Fédération Internationale de la Voile
Quick stop – Copyright ISAF/FFV
La méthode de la cape est à éviter car il est dur de parfaitement contrôler la dérive du bateau avec la barre tout en réglant la GV. Dans votre choix de manœuvre HLM, prenez aussi en compte le fait que tous les voiliers se comportent différemment à la cape (dérive, roulis, feuille morte).
La ralingue correspond à la manœuvre suivante : ralentir fortement voir arrêter le bateau. Dans le cadre d’une manœuvre d’homme à la mer, la ralingue est à utiliser de la même manière que la méthode de la cape : se laisser dériver sur l’homme à la mer. Un voilier ne reste pas longtemps face au vent à dériver dans l’axe du vent, il s’oriente généralement au travers…
Schéma de la phase d’approche sous cape
La méthode classique ou en huit est la méthode de prédilection des écoles de voile. Elle permet d’enseigner ou de valider les connaissances suivantes : repères au vent ( bon plein, largue), virement de bord à faible vitesse, utilisation d’un gisement, coordination de l’équipage. La trajectoire du voilier forme un 8 d’où le nom de cette manœuvre classique d’homme à la mer.
En complément de la GV, le moteur vient en renfort pour faciliter la remontée au vent et la phase d’approche pour accélérer la récupération de l’Homme à La Mer.
Homme à la mer au près – méthode en huit
Procédure à 5 équipiers suite HLM au près – Quick stop ou classique
Les yeux | L’équipier à la barre | L’équipier à la GV | L’équipier à la voile d’avant | L’équipier pied de mât | |
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1. Communiquer | J’alerte le reste de l’équipage : « Homme à la mer! Je le garde en contact visuel » et je montre du doigt le copain | ||||
2. Garder le contrôle | Est-ce que la brassière s’est bien gonflée? Si non, lui envoyer impérativement la bouée de secours | « Je loffe » pour ralentir le bateau et calmer le jeu | « Je choque» pour ralentir le bateau et calmer le jeu | « Je choque» pour ralentir le bateau et calmer le jeu | J’appuie sur la touche MOB/HLM du GPS et je reporte la position sur le livre de bord |
3. Descendre sous le vent de l’HLM | Je continue de regarder et montrer du doigt le copain | « J’abat » au portant | Je suis à la GV l’abatée | J’aide avec la voile d’avant l’abatée | Je prépare la drisse de la voile d’avant |
4. Descendre sous le vent de l’HLM | Le seul lien entre l’HLM et le bateau, c’est moi, alors je ne le perd pas de vue | Je maintiens le bord de portant | J’affale la voile d’avant | J’affale la voile d’avant | J’affale la voile d’avant |
5. Allumer le moteur | Mes yeux sont toujours rivés sur l’HLM | Je me prépare soit à empanner soit à lofer et virer dans la foulée | J’allume le moteur après avoir vérifié qu’il n’y ait pas de bouts qui trainent dans l’eau | J’avertis à la VHF le bateau avec qui je suis en escadre | J’ai la position, l’heure et le nom de l’HLM |
6. Revenir vers l’HLM | Je ne perds pas de vue l’HLM pendant l’empannage ou le virement de bord mais je fais attention à la bôme | J’avertis l’équipage sur la manœuvre (empannage ou aulofée puis virement de bord) Sur le virement de bord, je m’appuie au besoin du moteur |
Je suis le barreur à la GV | Je prépare un bout à lancer au copain pour établir un lien physique entre lui et le bateau | |
7. Approcher l’HLM | Je continue de montrer du doigt l’homme à la mer même si les autres équipiers l’ont aussi en vue | Je prend un gisement constant au bon plein sur l’HLM | Je régule à la GV pour ne pas aller trop vite mais sans risquer de décrocher (au pire le moteur est allumé…) | Je m’accroche à la ligne de vie. Je vais aider le copain à remonter s’il est conscient | Je prépare le palan de HLM ou une drisse pour aider la remontée de l’HLM |
8. Récupérer l’HLM | Je dégage la jupe arrière pour faciliter la remontée | J’arrête le voilier pour que l’HLM soit à 1m à hauteur des haubans *** | Je surveille la GV, elle ne doit pas gêner la remontée | Je lance le bout à côté du copain | Je prépare la remontée de l’homme à la mer |
9. Remonter l’HLM | Remonter le copain tout mouillé | Remonter le copain tout mouillé | Remonter le copain tout mouillé | Remonter le copain tout mouillé | Remonter le copain tout mouillé |
*** au vent pour dériver gentiment sur l’HLM s’il n’y a pas trop de vagues ou trop de vent sinon effectuer la récupération de l’autre côté du voilier.
- Est-ce qu’il a bien des lunettes avec des verres polarisés photochromiques?
- Il y a des vagues? Bien attendre plusieurs cycles de vagues au cas où le bateau et l’HLM soient au même moment dans le creu.
- Il y a du soleil? Remonter vers le soleil, on est sans doute à contre jour et c’est pour ça que « les yeux » n’arrive plus à le voir. Avec le soleil dans le dos, on voit mieux !
Ci-dessous les schémas correspondant respectivement aux méthodes de récupération d’homme à la mer avec virement de bord et empannage
Manœuvre d’homme à la mer au portant – virement de bord
Manœuvre d’homme à la mer au portant – empannage
On oublie la voile d’avant choquée et le barreur s’occupe également de la GV. A partir du moment où le barreur est sur l’homme à la mer en gisement constant, « les yeux » peut affaler la voile d’avant pour augmenter la visibilité et supprimer le bruit de la voile qui faseye. « Les yeux » peut préparer un bout pour le lancer à l’homme à la mer.
La bonne méthode, c’est la votre. C’est celle que vous aimez bien et qui vous correspond. Il est important de s’approprier une manœuvre que personne ne souhaite effectuer dans des conditions réelles un jour. Imaginez seulement que c’est vous qui tombiez à l’eau. Vous voudriez être récupéré rapidement sans mettre en danger le reste de l’équipage : quelle méthode communiqueriez-vous à vos équipiers? Laissez un commentaire pour partager votre expérience.
Quick stop | Classique en huit | Mixte | |
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Avantage no 1 | La méthode recommandée par l’ISAF | La méthode qu’on connait probablement le mieux | Utilisé aux moments clés, le moteur est un plus |
Avantage no 2 | La trajectoire la plus directe | Le virement de bord est plus sécuritaire par gros temps | Plus rapide que l’équivalent sans moteur |
Inconvénient no 1 | L’empannage est rarement bien maitrisé par des équipiers qui n’ont jamais fait de dériveur | L’aulofée suivi du virement de bord, si on ne suit pas aux voiles, se finit en manque à virer | L’utilisation du moteur peut donner un faux sentiment de facilité |
Inconvénient no 2 | Une méthode récente qui n’est pas aussi répandue que la méthode classique en 8 | Le virement est plus long que l’empannage | Bien vérifier qu’il n’y ait pas de bouts qui trainent dans l’eau (écoute de génois ou de spi) |