Le Chef de bord ou Skipper d’un navire de plaisance à voile assure le transport de passagers ainsi que l’acheminement ou le convoyage de navires d’un port à un autre pour le compte d’un tiers. Il assure les attributions nautiques d’un capitaine et conserve son autorité sur l’équipage dans la conduite du navire, lorsqu’il s’agira de déterminer les responsabilités, il sera le seul à se voir attribuer les pouvoirs d’usage de contrôle et de direction sur le navire.
Il voit peser sur lui une responsabilité civile contractuelle et délictuelle. L’intérêt réside dans la charge et le contenu de la preuve qui varieront selon la nature de la responsabilité civile mis en jeu.
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A savoir : la responsabilité contractuelle implique… un contrat ! Au sein d’un équipage entre amateurs, il est rare que des conventions soient conclues, comme par exemple à propos d’une caisse de bord. La responsabilité contractuelle va donc concerner presque exclusivement les relations entre professionnels ou entre professionnels et amateurs.
La responsabilité contractuelle n’est pas évidente à déterminer et repose soit :
Cette possible responsabilité contractuelle du skipper peut être soulevée par exemple dans les situations suivantes :
En d’autres termes, on pourrait y voir la création d’un nouveau genre de contrat d’équipage adapté aux spécificités de la compétition nautiques. Pour autant, dans la pratique, à l’exception de courses exclusivement à vocation publicitaire ou commerciale, les participants n’ont pas le sentiment de contracter en s’engageant en course et qu’il n’existe pas aujourd’hui de relation contractuelle « transversale » entre les concurrents.
Concernant la responsabilité civile du skipper, la jurisprudence met en évidence deux idées :
La limite à l’application du droit terrestre réside aussi dans l’application des règles de la limitation de responsabilité, spécifiques au droit maritime.
La responsabilité du Chef de bord est une responsabilité pour faute en application de l’article 1382 du Code civil « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer ». Le droit de la responsabilité, qu’elle suive les règles civiles du droit commun ou les règles du droit maritime, commande de ne pas laisser la victime sans réparation. La notion de « faute du navire » constitue une condition préalable et incontournable pour désigner la personne responsable.
Concrètement, en se référant à différentes arrêts rendus par la Cour de cassation, le Chef de bord pourra voir sa responsabilité engagée pour faute personnelle si :
Le Chef de bord est considéré comme gardien du navire. En ce sens, un arrêt de la Cour de cassation du 8 mars 1995 énonce clairement « les usages et les règles applicables en matière de courses en mer donnent au seul « skipper » le commandement du voilier dont il dirige et contrôle les manœuvres et la marche, chacun des coéquipiers effectuant sa tâche à la place qui lui a été affectée dans l’équipe, sous le contrôle et la direction du skipper, lequel exerce donc seul sur le navire les pouvoirs de contrôle et de direction qui caractérisent la garde de la chose »
Ainsi, le Chef de bord à la qualité de gardien exclusif du voilier et a le seul pouvoir de décision quant aux manœuvres à réaliser sur le navire dont il assure le contrôle et la direction. Cette application stricte de la garde mise à la charge du skipper ne prive pour autant pas celui-ci d’évoquer l’application des règles du droit maritime en cas d’abordage.
Dans la diversité des événements de mer, l’abordage est certainement la cause principale de dommages susceptibles d’engager la responsabilité du Chef de bord.
Le particularisme du droit maritime connaît un certain assouplissement lorsqu’il s’agit d’établir la faute. Cette dernière est en effet déterminée sur la base d’un rapport établit entre le « comportement du navire » et le respect des règles de navigations. Au gré des circonstances, les juges complètent ou substituent au standard du Règlement International pour Prévenir les Abordages en Mer, d’autres règles plus spécifiques comme en matière de régates.
L’objet n’est pas d’écarter les règles classiques pour appliquer des règles moins contraignantes mais d’appliquer des règles adaptées, complémentaires au standard maritime.
Le Chef de bord pourra voir sa responsabilité allégée en démontrant un cas de force majeure, le fait d’un tiers ou encore la faute de la victime.
Le Chef de bord n’a pas une obligation de résultat. A ce propos, un arrêt de la Cour de cassation du 4 juin 2014 le rappelle dans le prolongement d’un arrêt rendu le 9 octobre 2001 « il est constant que l’état de la mer, la force du vent et la température de l’eau, rendaient particulièrement périlleux le sauvetage du malheureux équiper tombé à la mer ; que, dans ces conditions, il ne peut être reproché au Chef de bord de ne pas avoir plongé pour venir au secours de son équipier et ce d’autant plus qu’il n’avait aucun dispositif propre à assurer sa flottabilité, qu’il ne pouvait être relié au bateau par un cordage assez long, la réserve de flottabilité de sa propre veste de quart ne pouvant que se révéler insuffisante dans de telles circonstances ».
En cas de force majeure, le Chef de bord doit démontrer que les circonstances de l’accident ne lui sont pas imputables. Cependant, sa fonction est régie par l’unité et la permanence du commandement, autrement dit, il demeure seul responsable, en tant que gardien du navire, de la navigation et de sa préparation, même s’il délègue une partie de ses attributions. De ce fait, la jurisprudence ne retiendra que rarement un fait imprévisible, comme des conditions climatiques, pour peu qu’elles aient été annoncées avec suffisamment de précision quant à son étendue et sa durée.
Quant au critère d’irrésistibilité, il concerne les circonstances ayant un caractère normalement insurmontable. Cette condition s’appréciera par rapport au navire en cause, dont le gréement et l’équipement de sécurité sont supposés avoir été contrôlés par un Chef de bord prudent et avisé. Ce dernier ne pourra alors voir sa responsabilité limitée que s’il établit par exemple qu’il ne pouvait opérer un autre choix de manœuvre que celui causant un dommage ou encore qu’il lui était impossible de recevoir des informations météorologiques pour déterminer un choix de route. Néanmoins, il est certain que les progrès de la prévision en ce domaine ou encore ceux de la conception des navires, reculent de manière manifeste les frontières de la force majeure.
Le fait d’un tiers peut être également source de limitation de responsabilité, et les fautes de ces derniers, notamment en matière d’abordage. La Cour d’appel de Rennes dans une décision du 14 novembre 2007 se prononce ainsi sur un partage de responsabilité entre deux chefs de bord qui jouaient à se croiser à vitesse rapide, chacun ayant commis une faute.
Quant à la faute de la victime, en l’occurrence d’un équipier, elle représente pour le Chef de bord, le troisième moyen de se décharger de sa responsabilité. Il faut souligner que la jurisprudence distingue la faute de la victime, de l’acceptation des risques propres à la compétition nautique bien que la frontière soit parfois ténue.
Quoi qu’il en soit, si l’ensemble des circonstances précitées sont de nature à engager moins systématiquement la responsabilité du Chef de bord, il demeure que ce dernier sera souvent déclaré responsable des dommages du fait de sa qualité. Par conséquent, le principe de la limitation de responsabilité, désormais applicable aux navires de plaisance, s’inscrit comme une protection supplémentaire au bénéfice du skipper.
Le principe en droit terrestre est la réparation intégrale du dommage. Or, le droit maritime connait en la matière une institution particulière et ancienne que la doctrine nomme limitation de responsabilité. Cette protection devait ainsi inciter le propriétaire du navire à se lancer dans une aventure parsemée de risques et périls, en mer le navire n’étant jamais totalement maître de sa manœuvre. Ainsi, traditionnellement, l’objectif recherché était atteint en permettant au propriétaire de navire de mer de limiter sa responsabilité pour plusieurs raisons. D’une part en raison du caractère aventureux et risqué de l’expédition maritime, soumise aux aléas des forces naturelles et à l’hostilité du milieu maritime et, d’autre part, par l’idée de participation de tous les intéressés aux aléas heureux ou malheureux de l’aventure maritime.
Il s’agit de limiter le montant de la réparation du dommage car en aucun cas il ne s’agit de limiter la responsabilité de la personne qui reste entière. La qualification de la « faute » sera à l’appréciation des juges et reposera sur des critères tenant à la compétence du Chef de bord mais également des circonstances de la navigation ou de sa préparation. Il conviendra alors pour la jurisprudence de retenir une conception objective de la faute inexcusable. Autrement dit, celle-ci sera analysée par rapport à une personne normalement avisée et prudente, et probablement retenue dès lors que l’intéressé, non pas avait conscience qu’un dommage résulterait de son acte, mais en aurait dû avoir conscience.
Accepter un risque de dommage pourrait se concevoir comme s’interdire de se plaindre du dommage subi. Cette théorie ne peut être opposée à d’autres personnes que les sportifs. La victime doit en effet avoir participé de façon réelle et active à l’activité physique. La faute du préposé, dans un sport où peut être invoquée la théorie de l’acceptation des risques, doit être particulièrement caractérisée et s’entend comme un coup déloyal étant donné qu’un coup, même violent, qui serait porté involontairement dans le feu de l’action ne pourrait être considéré comme une faute.
La jurisprudence applique donc le principe de l’acceptation des risques sous certaines conditions :
Question : Est-ce qu’un équipier se blessant avec un winch, un taquet ou bien la bôme peut se retourner contre le Chef de bord? Si le Chef de bord a clairement présenté les éléments dangereux aux équipiers est-ce suffisant pour le dédouaner?
Le principe est oui (article 1383 du Code civil) puisque le Chef de bord ou Skipper est présumé responsable à bord. En revanche, il pourra atténuer ou exonérer sa responsabilité en prouvant un cas de force majeure ou une faute de la victime (imprudence, négligence etc..). Ce sera à la discrétion des juges et surtout en enjeux d’assurances…
Question : Est-ce qu’il y a une différence de faite à ce niveau entre le Chef de bord amateur ou professionnel ?
La différence se place surtout au niveau de l’appréciation du juge et de la présomption de responsabilité. Clairement un Chef de bord amateur sera plus facilement exonéré de sa responsabilité.
Question : Comment est perçu le livre de bord s’il est indiqué qu’il y a eu une mise en garde des différents dangers à bord?
Le livre de bord est un document administratif et de sécurité et pourra éventuellement servir de preuve au bénéfice du Chef de bord s’il est écrit que ce dernier a pris toutes les précautions pour tenter d’éviter un dommage.